Bibliographie du Mensonge

«  Il y a deux catégories de personne qui réfléchissent à des façons de tuer :
les psychopathes et les écrivains. Je suis dans celle qui paie le mieux. » - Castle

Alexandre possède, en guise de chevelure, une masse sombre et désordonnée. Pourtant soyeuse et bien entretenue, celle-ci reste perpétuellement indisciplinée. Encadré par celle-ci, un visage fin, au sein duquel brillent des yeux aux iris méphistophéliques. Souvent présente, une cigarette allumée au coin des lèvres, symbole d'une addiction qui ajoute à son air de poète maudit. Autre accessoire perpétuel, une boucle d'oreille en or, simple et sans fioriture dont la couleur cadre avec celle de ses prunelles. Grand et élancé, son corps possède une certaine finesse. Cela lui donne de faux airs fragiles, bien loin des standards de la virilité masculine. Chose dont il se moque souvent. Être une bête poilue et pleine de muscles lui paraît être le comble du mauvais goût et cela affecte la manière dont il s'entretient. En dehors des réceptions et autres bals, il est toujours vêtu de la manière la plus confortable possible, souvent dans des tons uniformément noirs. D'une hygiène remarquable, il est également toujours habillé de vêtements propres et neufs. Il lui arrive même d'acheter plusieurs exemplaires d'une même tenue, prévoyant d'en sacrifier aux brulures de cigarettes.

L'air constamment détendu, jamais soucieux, souvent nonchalant, Alexandre se montre affable et presque prévenant avec autrui. Son comportement est le reflet d'une éducation quelque peu désuète. Il cède volontiers sa place aux personnes âgées, se montre toujours galant avec les dames, évite de se montrer grossier, arrive toujours pile à l'heure, ... Le gendre idéal, en somme. Collectionneur éclectique et mécène à ses heures, il s'investit énormément dans le monde des arts et s'informe par tous les moyens disponibles, qu'ils soient modernes ou classiques. Son attitude détendue, presque flegmatique, vis-à-vis de ce qui l’entoure n'est pourtant qu'un masque. Au-delà de la nonchalance affichée et des bonnes manières se trouve, en réalité, un comploteur de talent. Capable de s'adapter rapidement et de saisir, voir créer, les opportunités qui se présentent à lui, il fait preuve d'un instinct développé pour survivre et prospérer dans les milieux sociaux. Celui des Artistes en particulier. Cependant, son approche élégante et discrète de la chose en fait un acteur insoupçonné de la politique des Accordés et il fait tout pour que cela reste le cas.

		La lumière des projecteurs avait quelque chose d'aveuglant et le maquillage me démangeait. Dieu, que je détestais les plateaux de télévision ! Comment avais-je pu oublier pourquoi ? Et avec tout cela, il fallait faire bonne figure, sourire en répondant aux questions stupides d'un animateur décérébré. Mais j'étais un écrivain, un maître du mensonge, un expert en artifices, je donnerais le change. Ce soir, c'était une animatrice qui me donnerait la réplique. Elle était blonde, plutôt jolie, mais un peu trop vieille pour moi, bien qu'elle semble naïvement penser le contraire. Le panneau lumineux indiquant que nous étions en direct s'alluma et elle débuta son émission, tandis que je patientais en attendant qu'elle pose ses questions. « Nous recevons ce soir Alexandre de Narjac, jeune auteur d'à peine 26 ans et comptant déjà 9 best-seller à son actif. » Je me contentais d'un sourire et d'un hochement de tête, la laissant poursuivre son blabla me concernant et ne réagissant qu'à la première réelle question.
		« Monsieur de Narjac, on vous dit aristocrate et la rumeur prétend que vous vivez dans un ancien manoir, du vrai dans tout cela ? » Léger rire de ma part, courte pause et, enfin, réponse soigneusement formulée à l'interrogation. « Appelez-moi Alexandre. Ma famille est effectivement plutôt ancienne, mais n'allez pas croire que je sois né avec une cuillère en argent dans la bouche. Si je vis aujourd'hui dans un vieux manoir, restauré à mes frais, c'est uniquement grâce au succès de mes romans et à l'enthousiasme de mes lecteurs. » Étonnement feint chez l'animatrice et poursuite de l'interrogatoire. « Une question que de nombreuses téléspectatrices se posent concerne votre situation familiale... » « Bien que j'héberge quelques artistes prometteurs au manoir - le mécénat m'ayant toujours semblé intéressant -, ma vie sentimentale n'est pas encore fixée, je profite de ma vie sans attache avant de trouver l'âme sœur, dirons-nous. » « Vous êtes le fils de l'auteur Vincent de Narjac, est-il à l'origine de votre envie d'écrire ? » « Oui et non. Voyez-vous, mon père était un artiste à la Hemingway, il pensait, à tort, ne pas pouvoir écrire sans alcool. Vous imaginez la suite... » Et le blabla se poursuivit durant une longe demi-heure avant de passer à l'invité suivant.

Être un artiste, et pas un simple écrivain, possède quelques à-côtés plutôt utiles. En digne Prederi, ceux d'Alexandre sont exclusivement liés à l'art de la plume. Avoir toujours écrit avec un message entre les lignes a développé le premier des talents d'Alexandre, la possibilité d'imprégner ses textes d'un autre contenu, sous-jacent et capable d'affecter directement le subconscient du lecteur pour s'imposer à lui, telle une suggestion irrésistible. Une simple invitation pourrait pousser une personne à se rendre à un endroit précis, sans rapport avec le contenu, par exemple. De même, travailler sans cesse sur la caractérisation lui a appris à mieux cerner les personnalités qui l'entourent. Le jeune auteur est devenu capable, au prix de quelques minutes d'observation ou d'échange avec une personne, d'en cerner les principaux traits de personnalité sans aucun risque d'erreur.